mercredi 17 septembre 2008

Pamphlet d'un vendeur enragé.

En tant que vendeur, il m'arrive assez réguliérement de pratiquer des sophismes élaborés pour vendre. En effet, je passe le plus claire de mon temps à lubrifier le canal qui méne du porte feuille d'un client à la caisse du magasin.Par conséquent, je flatte les narcissiques, torche le cul des nobles avec le coté doux d'un P.Q quadruple épaisseurs, rassure les inquiétudes superficielles des cutéreux qui ont encore confiance en nous, installe confortablement les timides et je me prosterne à genoux devant qui le désir... Grosso modo, le métier de vendeur se résume en trois étape : profiler, lubrifier, et enculer (Le plus souvent on confond l'enculeur de l'enculé, ou le flatteur du flatté). Mais bien heureusement, nôtre tâche ne s'arrête pas là. Dernier intermédiaire entre la marchandise et le client, nous sommes les mercenaires du crime organisé; on bip, ceintre, présente mais on range beaucoup. Ce qui m'améne à vous présenter ce qui est pour moi le coeur de mon travail : le stock (lieu de méditation par excellence qui peut aussi devenir une salle de torture selon les enseignes).

Il est bon d'ajouter que le magasin en question se trouve dans les vestiges d'un clocher. Le stock posséde un charme particulier : surplombé d'un faux plafond en lambeaux laissant entrevoir un toit en tuile rouge perché à 20 métres de haut. Les murs sont traversés par de vieilles poutres et gardent les traces d'une vie domestique antérieur; chose que l'on peut constater quand les pigeons ne vous caillassent pas involontairement de leur domicile.
Dans cette salle parfaitement banale, on peut à loisir étudier chacun des produits : leurs provenances, leur prix, leurs qualités, leurs textils et leurs histoires. Bangkok, Chine, Afghanistan, Vietnam, Turquie, Inde, je parcours le monde grâce à des vestes hivers /intérieur 100% polyesthére/ exterieurs 20 % laine, 10% Viscose et 70% coton. A défaut d'être voyant, j'imagine le parcours de ce pull à 95 euros piéce, de ceux qui ont cultiver le coton à ceux qui l'ont cousu, jusqu'à la réception dans le magasin de cartons emballés à l'arrache.
La chaîne étant bien trop importante, je cible mes pensées sur les conditions de travail des employés d'usines de sous-traitance. Informé de la propagande du monde diplo ou de celle des ONG diverses et variées, je suppose un quotidien fait de 12 heures de travail mécanique et abrutissant, ponctué d'une malheureuse pause. Dans la vague néolibérale, j'imagine que les derniers à avoir touchés ses pulls ne connaissent pas les droits du travail, encore moins les syndicats et n'ont jamais envisagés de faire gréve pour une augmentation de salaire (malgré l'inflation phénoménale que connaît ces pays) si l'entreprise qui les exploite (et nourrit) menace de délocaliser... Parfois deux bornes plus loin.

C'est dans ces moments de lucidité, que d'une part je me réjouis égoistement de mon sort et aussitôt m'enrage contre moi même. La conscience d'une participation dans ce long processus de commercialisation, aussi minime soit-il, me rend coupable, moi, dans cette salle silencieuse, coupable par ma servile obéissance. On dit que la consommation est le poumon de la "croissance", je dis que la croissance devrait arrêter de fumer, parce qu'elle crache du sang sur ses mains. On pense que notre rôle est si infime que nous n'avons aucun poids, je pense que nous sommes tous, à nôtre degré, si infime soit-il, les maillons de cette longue chaîne inique.On va s'empresser de qualifier ces raisonnements de ridicule "folie prépubére". D'ailleurs, ils n'ont pas tords. Des propos qui n'auront aucune incidence sur la grande partie des esprits, trop occupé à tourner sur eux mêmes.
J'essuie déja les postillons "fashions" de mes collégues quand j'ose aborder le sujet, alors pourquoi vouloir partager de telles insanités? Dans une lettre du DG europe de la marque Rip Curl (mon employeur) adressé aux salariés, il partage ses inquiétudes quant au ralentissement de la croissance que connait et ressent toutes les activités économiques. Néanmoins, un paragraphe d'espoir explique comment les pays sous dévellopés (ou en voie de développement), je cite, "parviendront (on l'espére) à l'hyper consommation". Voilà qui soulage ma culpabilité (et rassure les PDG de se garantir d'une misére imminente). Mais si une nouvelle classe moyenne apparaît de l'autre coté du globe, qui fabriquera à bas coût? Et si un jour les pays devellopés pouvaient devenir plus concurentiel que la Chine ou l'Inde, surdévellopé à leur tour? Quand sera t'il de ces gens qui tournent sur eux-mêmes? Où sera la prochaine nîche obcure où régne les lois féroces du néolibéralisme? Peut-être que nous sommes déja dans de spartiates caves que nous jugeons confortables?

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